Conan de Robert E. Howard - chronique de livre

Commençons par un hommage et un grand merci aux éditions Bragelonne qui se sont attaquées avec l'édition intégrale du Conan de Robert E. Howard à un chef d'oeuvre, un emblème de la fantasy. Jusqu'à ce jour, il n'existait pas de publications dignes de ce nom. Conan était édité, publié, distribué à l'arrache, dans le désordre, dans des versions caricaturées, réécrites ou incomplètes. Victime de son adaptation cinéma, Conan était devenu un sempiternel héros fantastique: le barbare de base décliné sous toutes les coutures. Caricature de caricature. 

Chez Bragelonne, on a voulu revenir au granite original, à la première sève. Voici donc que parait le premier des trois volumes qui constitueront l'intégrale définitive de Conan. Les aventures du cimmérien sont publiées dans l'ordre de leur rédaction, reconstituées à partir des manuscrits originaux, manuscrits qui ont par la même occasion été retraduits (l'oeuvre d'Howard ayant été joyeusement réécrites par des indélicats). Le tout est accompagné de notes, d'annexes et de mémos sur l'univers du barbare. On croit rêver en tenant ce pavé dans les mains. Cerise sur le gâteau, le tout est publié en édition limitée à 8000 exemplaires comme pour mieux renforcer l'aura mystique de ce petit bijou. Juste un putain de collector !

Trêve de publicité de Noël, revenons au mythe. Robert E.Howard est tout simplement monsieur heroic-fantasy, le grand, l'unique. Genre qu'il a inventé avec l'histoire de Kull, le roi des barbares. Insatisfait de ce rang de pionnier, Howard voulait laisser à la postérité un héros capable de fédérer des générations de lecteurs, un héros dont l'acier ne s'oxyderait jamais et resterait dans l'Histoire. 

Ce héros, c'est Conan. Nous sommes en 1932. C'est le genre de truc qui m'a toujours sidéré: confronter les idées d'un visionnaire avec l'époque dans laquelle il évolue. C'est hallucinant de penser aux idées d'un Jules Verne, d'un Howard et de se demander où, comment, quand on-t'il pu trouver tout ça? Comment même y penser??? Avec Conan, Howard établit tout une mythologie: il invente l'âge d'or de la fantasy: des barbares, des mercenaires, des sorcières, des monstres. Le style est brutal, violent, noir. Cet âge d'or, il le baptise l'âge hyborien, sorte de pré-antiquité magique à la frontière de l'aube des temps et d'un Moyen-Age tout ce qu'il y a de plus référencé côté mythes de la Table Ronde (j'y reviendrais un jour). Conan, en l'espace d'une vingtaine d'aventures, devient un héros tout ce qu'il y a de plus sombre, torturé, tyrannisé par le destin, les éléments et les êtres les plus vils. Rien ne fait plier cependant le cimmérien car il est solide comme un demi-dieu. Au fil de l'oeuvre d'Howard, on lit les trames d'un auteur que l'on sent désabusé, soucieux, convaincu de vivre une vie qui ne mérite pas d'être vécu. Howard est un pessimiste. Il voit l'homme comme quelque chose en perpétuelle décadence, au bord du gouffre, plus proche de la fin que du début. 

Cette vision explique le cadre choisi par Howard pour faire évoluer Conan: le cimmérien parcourt un monde quasiment sans civilisation, préhistorique. Tout n'est que décadence, vice, massacre et destruction. Conan, c'est l'homme mythique, le héros façonné par l'antiquité, dernier de son espèce dans un univers façonné par le futile, l'inutile, le mensonge, par des notions vouées à l'échec et conduisant au bout du tunnel.

 Las, désabusé, Howard arrêtera Conan en 1935 et disparaitra l'année suivante. Il laisse derrière lui une pierre angulaire. Conan, tel un titan, tient à bout de bras tout un pan de la littérature fantastique du XXème siècle et de notre jeune XXIème siècle. Il est le père des Gemmel, Cook, Moorcock, Pratchett, Weis, Hickman. De Corum au Lion de Macédoine, il y a de la furie de Conan en chacun d'eux. Ce bouquin m'a tellement mis de bonne humeur que je vais même m'écouter un Manowar tiens !

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